Avocat collaborateur et relation client
Méta-description : Quelle est la place et le vécu des avocats collaborateurs en matière de relation client ? Notre nouvel article en dit plus sur le sujet.
La place et le vécu des avocats collaborateurs dans la relation avocat-client
Le quotidien des avocats est marqué par la relation avec leurs clients. Cet enjeu central de la profession se vit différemment selon le statut professionnel et la place occupée dans le cabinet.
Les relations avocat-client au cœur de la profession d’avocat
Importance de la clientèle et des relations avocat-client
Les avocats doivent se constituer une clientèle et jouent souvent un rôle important dans des périodes de vies difficiles pour leurs clients. Leurs missions vont de la défense des citoyens dans les tribunaux, aux conseils juridiques et aux démarches administratives. Ils mobilisent des compétences juridiques spécifiques, mais doivent également être pédagogues, avoir de l’empathie et s’adapter à leur client.
La littérature scientifique internationale a mis en évidence que les relations « harmonieuses » avec les clients s’associent à une meilleure santé au travail des avocats (Cadieux et al., 2019), mais que les clients exigeants sont une part importante de leur métier (Omari & Paull, 2013).
Toutefois, peu d'études ont été réalisées du point de vue des avocats sur ces relations, particulièrement en France.
Dans une étude par entretiens auprès d’une vingtaine d’avocats français, de plusieurs statuts professionnels et de compétences variées, nous avons pu mettre en évidence des éléments qui permettent de comprendre le vécu des avocats de leurs relations avec les clients.
L’équilibre au sein de la relation avocat-client
Une notion essentielle en psychologie du travail (Bakker et al., 2023 ; Siegrist, 2008) est au cœur de la relation avocat-client : l’équilibre. Cet équilibre se manifeste entre les difficultés rencontrées par les avocats et les aspects positifs de la relation. Pour répondre aux exigences de la relation client, des stratégies autour de la construction du cadre peuvent contribuer à une relation plus équilibrée.
Tout d’abord, il est important de rappeler que les avocats sont placés dans un contexte professionnel particulier. Plusieurs témoignages soulignent la pression du temps dans la gestion de la relation avec les clients. Cette pression se manifeste à travers les délais et les injonctions des tribunaux, qui peuvent entraîner d’importants changements d’agenda et des pertes de temps. Cependant, les clients ont tendance à tenir leur avocat pour responsable de l’ensemble du processus, y compris des retards ou des décisions échappant à leur contrôle.
Selon les avocats, une minorité « bruyante » de clients peut poser problème. Pendant le traitement de leur affaire, certains clients ont tendance à se montrer peu reconnaissants et à attendre une disponibilité immédiate de leur avocat, ce qui peut entraîner de nombreuses sollicitations numériques :
- e-mails ;
- appels téléphoniques ;
- etc.
Les avocats sont confrontés à une forte charge émotionnelle, dans la réception des événements de vie, des éléments de dossier difficiles ou des fortes émotions des clients. Les avocats ont bien expliqué que cela faisait « partie du métier » et, qu’avec l’expérience, ils avaient l’habitude d’écouter et d’être confrontés à des récits difficiles. La charge est également mentale, à cause du sentiment de responsabilité, de la nécessité de répondre aux sollicitations et de la pression économique des honoraires et des situations d’impayés.
La majorité de la clientèle se montre reconnaissante, et la relation est positive et enrichissante pour les avocats. Pour que la relation entre un avocat et son client fonctionne, il est nécessaire d’établir un cadre équilibré avec les clients, fondé sur la confiance, des limites claires et une forme de « collaboration ». Le maintien d’une relation équilibrée avec le client permet de mener le dossier à bien et une meilleure satisfaction.
L’équilibre de la relation passerait donc par un climat de confiance mutuelle, de transparence, mais également par l’instauration d’un cadre à bonne distance, égalitaire et professionnel.
Le cadre renvoie au fait de savoir poser des limites, d’arrêter une relation client si nécessaire et d’amener le client à être responsable dans son dossier. En effet, des avocats se sont exprimés sur l’importance d’imposer une forme de collaboration avec le client, pour le rendre responsable et acteur du dossier.
Les avocats avec qui je me suis entretenue relèvent que la majorité de leur clientèle se montre reconnaissante. La relation est positive et enrichissante pour les avocats.
Particularités et défis de la relation avocat-client pour les collaborateurs indépendants
Au cours des entretiens, les collaborateurs indépendants ont évoqué des expériences différentes de celles des avocats indépendants ou plus expérimentés. Leur vécu est marqué par des difficultés inédites à leur situation, tant dans leurs relations avec les clients du cabinet avec lequel ils collaborent que dans la gestion de leur clientèle personnelle.
Faire ses preuves lors du premier rendez-vous
Les collaborateurs indépendants ont exprimé avoir besoin de plus faire leurs preuves vis-à-vis des clients du cabinet, qui peuvent avoir une réaction initiale de rejet du collaborateur par rapport à l’associé du cabinet.
Les avocats collaborateurs disaient qu’ils devaient passer par une sorte « d’évaluation » de la part du client du cabinet qui, après avoir été témoin des compétences du collaborateur, pouvait lui faire confiance.
Pour favoriser une communication avocat-client la plus réussie possible, la confiance et l’engagement mutuel sont essentiels. Pour les collaborateurs, instaurer cette relation équilibrée et de confiance lors du premier rendez-vous peut être plus difficile dans ces conditions particulières.
Subir plus de critiques et de remarques
Cette forme de rejet ou de méfiance peut s’associer à des remarques négatives et des critiques vis-à-vis du collaborateur. Ces critiques étaient souvent centrées sur l'âge du collaborateur, souvent jeune, et étaient aggravées dans le cas où les avocats collaborateurs concernés étaient des femmes.
Comme mentionné précédemment, dans certains cas, les clients semblent ne pas saisir pleinement les enjeux et les difficultés des procédures judiciaires ou administratives, et ne pas se sentir responsables de leurs actions. Après le traitement de leur dossier, il arrive que les clients imputent la responsabilité de la décision uniquement à leur avocat. C’estd’autant plus le cas si le dossier a été traité parun collaborateur indépendant, perçu comme moins expérimenté que l’avocat initialement choisi.
Rapport à l’associé
Les réactions des clients sont à mettre en parallèle avec le rapport à l’associé. En effet, les clients peuvent ne pas réagir de la même manière en fonction de la place que le collaborateur a dans le cabinet. La façon dont le collaborateur est présenté aux clients, comme un membre à part entière du cabinet par exemple, peut également influencer les réactions des clients.
Par exemple, une participante évoque le cas de clients qui se montraient « extrêmement fermés » lorsqu’elle se présentait à la place de l’associé, s’ils n’avaient pas été prévenus à l’avance. De plus, lorsque les clients attribuent un éventuel échec dans un dossier à l’absence de l’associé, il revient à ce dernier de « défendre » le collaborateur et de réaffirmer sa légitimité auprès du client.
Avec la clientèle personnelle
Des obstacles peuvent apparaître lors de la gestion des premiers clients personnels, notamment en raison d’un manque d’expérience et de formation à la gestion de la clientèle. Un participant explique que la relation client est « un apprentissage sur le terrain ».
La prise de recul vis-à-vis du travail et des clients est nécessaire. Cette mise à distance est très importante, voire essentielle, mais est parfois compliquée à faire. Par exemple, certains avocats ont pu s’exprimer sur des affaires qui « les ont marqués à vie ».
Ainsi, les collaborateurs indépendants débutant dans la profession peuvent être confrontés à ces évènements, sans la prise de recul nécessaire ou sans partages d’expériences avec des avocats plus expérimentés ou avec l’associé sur la mise en place d’un cadre adapté. L’expérience a été mise en avant comme un facteur protecteur face aux difficultés qui peuvent être rencontrées avec les clients ou comme un facteur facilitant la mise en place d’un cadre solide.
