Pour l'associé, qui est aussi manager, considérer l’entretien annuel d'évaluation seulement comme une obligation légale revient à manger sans envie des mets sans goût. Plutôt que de le mener uniquement au titre d’une contrainte, transformez ce moment supposément “galère”, en un moyen de booster la performance et la fidélité de vos collaborateurs.
Pour vous guider, suivez ces trois étapes clés qui vous garantiront le succès :
- La préparation de l’entretien annuel d’évaluation qui repose sur du factuel et une méthodologie SMART ;
- La conduite de l’entretien : au menu, de l’empathie et de la co-construction au service d’une réussite commune ;
- Le suivi post entretien : la relation de collaboration s'entretient ; mieux vaut tenir vos engagements tout au long de l’année pour garantir la fidélité de vos équipes.
Comment préparer un entretien annuel d’évaluation en tant qu'associé et manager ?
L’idée de vous présenter face à votre client en ayant une idée vague de son dossier, sans éléments factuels, sans stratégie et sans objectifs ne vous viendrait pas à l’esprit (enfin je l’espère). Il en est de même pour l’entretien annuel d’évaluation, qui, faute d’anticipation, est condamné à être source de déception pour le collaborateur.
Quels sont les enjeux de management de l’entretien annuel d’évaluation ?
L’entretien est un temps fort de la collaboration pour vous, en tant qu'associé et responsable de l’entretien, comme pour votre collaborateur. Focalisez vous sur les avantages :
- En termes d’accroissement de la performance ;
- En termes de fidélisation des collaborateurs.
plutôt que de vous concentrer sur le caractère obligatoire de l’entretien annuel.
Lorsque les attentes et envies du collaborateur correspondent avec la stratégie et les besoins du cabinet, cela fait des étincelles.
Axez l’entretien pour permettre au collaborateur de répondre aux questions suivantes : :
- Comment se sent-il dans l’équipe et dans la relation de collaboration ?
- Comment le cabinet peut-il lever les freins au bien-être et à la performance du collaborateur ?
- De quoi a-t-il besoin pour performer ?
- Des fonctions transversales utiles au cabinet lui permettraient-elles de s’épanouir ? On peut y trouver :
- l’animation des réseaux sociaux ;
- l’animation des formations ;
- l’accueil des nouveaux ;
- l’organisation de la base de connaissances
- l’animation de la vie du cabinet, etc.
Permettre à votre collaborateur de concourir à la réussite collective en exerçant une passion ou une compétence contribue à son épanouissement. Un état d’esprit qui aura l’avantage d’être bénéfique pour votre marque employeur.
Tenez-vous en aux faits
Associé, soyez réellement vigilant à ne pas tomber dans le piège du jugement et de la critique destructrice. Evitez les petites phrases qui débutent par :
- « Le problème avec toi est que… » qui extrapole une situation à la personne elle-même ;
- « Tu n’es jamais ceci ou cela » et sa petite sœur « Tu es trop ceci ou cela » qui transforme un fait ponctuel en une vérité générale absolue ;
- « Tout le monde est d’accord avec moi sur le fait que tu… » qui place le collaborateur seul face à tous les autres membres du cabinet.
Attention toutefois, cela ne signifie pas qu’il ne faille aborder aucun sujet susceptible de nourrir des tensions. Mais il faut le faire de manière constructive pour générer des avancées. Car votre but n’est pas de réprimander ; ou pire d’agresser (ce qui conduit généralement les parties à ne plus vouloir dialoguer, voire même opter pour une escalade dans l’agressivité).
Votre seul but est de trouver ensemble des parades, des solutions à une situation ou un comportement qui nuit à la performance individuelle du collaborateur, et à celle de l’équipe.
Pour y parvenir, limitez vous aux faits et à eux seuls. On entend par là des remarques qui ne prêtent pas à confusion et ne relèvent ni de l’humeur, ni de l’émotion. Les faits sont vos amis. Encore faut-il que vous-en disposiez.
Sinon, votre cerveau risque d’extrapoler l’humeur des derniers jours ou semaines à l’ensemble de l’année, vous exposant à des réactions justifiées de la part du collaborateur qui s’estimerait injustement traité.
Des objectifs clairs et précis : adoptez la méthode SMART
La méthode SMART (en français, se dit d’un objectif Spécifique, Mesurable, Atteignable, Pertinent et Temporellement défini) constitue votre boussole. Le reste n’est que de l’intention (floue) de mieux faire ou de faire différemment et sera, sans cadre précis, une source de tension lors de l’entretien suivant.
Par exemple, en tant qu'associé et manager, que pensez-vous des objectifs suivants ?
- “Sois plus réactif” ;
- “Implique-toi plus” ;
- “Sois plus disponible” ;
- “Va plus vers les clients”.
Comment jauger leur atteinte ? C’est impossible car n’étant pas clairement définis, ils laisseront place à interprétation et vous empêcheront, vous et votre collaborateur, de trouver un terrain d’entente.
Définissez sans ambiguïté ce que vous entendez par « réactif » ou « disponible ». Cela peut signifier par exemple répondre à tout mail ou demande dans la journée (y compris pour indiquer que la demande est prise en compte et que l’action sera réalisée sous tel délai).
Dans le meilleur des mondes, chaque objectif sera co-construit pour être pleinement accepté.
Comment conduire un entretien à la fois bienveillant et efficace ?
Une relation humaine de qualité repose sur :
- Une compréhension mutuelle des enjeux
- Sur la volonté d'aligner les intérêts de chacun, manager comme collaborateur.
Être bienveillant, c'est simplement dire les choses avec sincérité tout en respectant l'autre.
Créez un cadre de confiance
Le cadre de l’entretien est important. Montrez à votre collaborateur que ce moment compte autant pour vous que pour lui. Pour cela :
- Soyez présent à l’heure, et réellement disponible. Pas de sources de distraction ou d’attention portée sur d’autres sujets. Vous n’avez qu’une heure, faites en bon usage ;
- Préférez la salle de réunion à votre bureau, à moins que ne s’y trouve une table spécifique à ce genre d’entretien. En effet, votre bureau intègre une part trop importante de hiérarchie qui pourrait fausser la relation de co-construction qui doit s’instaurer pendant l’entretien d’évaluation ;
- Accueillez votre collaborateur avec cordialité et sourire. C’est un moment à consacrer à l’évolution future de la collaboration sans tenir compte du passé. Ayez en tête que la première minute de l’entretien donne le « la » de toute la discussion.
Structurez l’entretien annuel d’évaluation dans une approche empathique et constructive
Comme on l’a rappelé plus haut, tout au long de l’entretien :
- Conservez une attitude égale ;
- Recentrez systématiquement l’échange sur les faits et les objectifs à atteindre ensemble.
Profitez des arguments de votre collaborateur pour faire progresser la discussion, dans un esprit de dialogue. Le cauchemar de tout entretien est le mutisme de l’autre, pas l’expression de ses idées. Car qui ne dit mot ne consent pas pour autant.
Pour être réussie, la structure de l’entretien doit respecter ces quatre temps :
1/ L’accueil du collaborateur (cf plus haut). Pensez à rappeler en tout début d’entretien les conditions de sa tenue (durée, format, liberté d’expression et respect). Un cadre connu et partagé facilite la réussite de l’échange.
2/ L’écoute du collaborateur. Ce n’est pas en parlant que l’on apprend de l’autre, mais en l’écoutant vraiment. Sur ce point, je milite pour l’écoute active comme outil facilitant la compréhension de ce que l’autre exprime ou… n’exprime pas. Réfrénez votre envie de couper la parole ou de réagir immédiatement à un propos, sauf s’il s’agit pour vous d’un moyen de parfaitement comprendre la pensée de l’autre.
Pratiquez sur ce point la reformulation et privilégiez TOUJOURS des questions ouvertes. Les questions fermées sont inutiles et contre-productives en laissant croire à un dialogue qui n’est au mieux qu’un monologue ponctué de oui/non.
Quelques exemples :
- “Entends-tu par-là que…” / “Dois-je en comprendre que…” / “Quels exemples as-tu de ce que tu décris ?” ;
- “Cite-moi deux pistes d’amélioration de notre collaboration” (plutôt que « Es-tu satisfait de notre collaboration ? ») ;
- “Quels succès/ratés majeurs retiens-tu de ton année ?” (plutôt que « Es-tu satisfait de ton année ?).
3/ Prendre la parole. A ce moment seulement abordez votre propre vision de l’année écoulée en tant qu'associé (on le répète : des faits, seulement des faits).
- Analysez ensemble l’année qui vient de se terminer et l’atteinte des objectifs (en suivant la méthode SMART comme décrite plus haut) (ndlr : ce point s’applique aussi bien aux collaborateurs libéraux, qu’à l’ensemble des membres salariés du cabinet) ;
- Revenez sur des propos de la phase précédente qui seraient en conflit avec votre propre ressenti de la situation en tant que responsable ;
- Détaillez les conditions pour réussir l’année à venir, en prenant appui sur votre préparation en amont. Mettez-vous d’accord sur les objectifs et leurs indicateurs de réussite.
4/ Conclure. A partir du moment où vous pensez que l’essentiel a été dit et que les vrais sujets et enjeux ont été abordés, vient le moment de conclure sur une note positive.
- Remerciez le pour la qualité de l’échange ;
- Annoncez la rédaction du compte-rendu (qui sera à signer par les deux parties) ;
- Encouragez le pour atteindre les objectifs convenus (plutôt que fixés) ;
- Assurez-le de votre disponibilité tout au long de l’année pour lui permettre de réussir.
Votre unique objectif : motiver votre collaborateur à progresser et s'épanouir au service du cabinet
Je rappelle à nouveau, tant cela est essentiel, que l’objectif de cet exercice imposé est de renforcer le lien qui unit votre collaborateur à votre cabinet (et accessoirement à vous-même).
Le but est :
- D’améliorer la performance de l’équipe ;
- De renforcer les compétences du collaborateur ;
- De renforcer son épanouissement ;
- Lui donner envie de rester à vos côtés à moyen et long terme.
Aucun bon sentiment mielleux dans cette démarche, juste une vision humaine orientée business.
Comment faire un suivi optimal après l’entretien annuel d’évaluation ?
Vous sortez de l’entretien sur un commun accord sur les objectifs à atteindre. Reste à vous assurer d’entretenir les effets tout au long de l’année qui vient.
Les paroles s’envolent, les écrits restent
Prenez le temps de rédiger un compte rendu respectueux de l’échange et des engagements réciproques pris. Transmettez-le à votre collaborateur en lui demandant de le signer et en lui laissant la liberté de le compléter d’un commentaire s’il l’estime nécessaire. Ce document devient dès lors votre boussole commune.
Dire, c’est tenir : mettez en oeuvre vos engagements
Ayez à cœur, en qualité de manager, de mettre en œuvre les engagements pris par le cabinet (nouveaux outils, formations, encadrement, disponibilité de l’associé, etc.) dans le respect du planning éventuellement prévu.
Trop souvent, je constate en effet que, sitôt la porte refermée, et la routine quotidienne qui reprend, on passe à autre chose en espérant qu’un principe d’auto-réalisation viendra remplir les objectifs à notre place. Il n’en est rien, bien entendu.
Tenir vos propres engagements motivera votre collaborateur à tenir les siens. C’est la magie de l’effet miroir.
La motivation et la fidélité se créent au quotidien
Au terme officiel d'entretien annuel d'évaluation, je préfère de loin celui d'entretien individuel :
- D'une part, « évaluation » a un côté scolaire négatif, car on peut entendre « note et contrôle » ;
- D’autre part, le caractère annuel laisse à penser qu’un rendez-vous une fois par an suffirait à transcender la réalité.
Dans la réalité, la motivation s’érode et nécessite d’être entretenue pour rester à son meilleur niveau et produire les effets attendus.
Prenez donc le temps de rendez-vous intermédiaires réguliers au fil de l'année et calés sur la temporalité des objectifs fixés.
Exemple : Si votre collaborateur doit avoir acquis une compétence spécifique à la fin mars, positionnez un rendez-vous un peu en amont. Il n’aura pas le caractère formel de l'entretien annuel, mais en conservera l'ensemble des spécificités afin de garantir un résultat optimal.
Une des causes d'échec les plus fréquentes des entretiens annuels est de rester silencieux durant la majeure partie de l'année pour ne ressortir le compte-rendu que 12 mois plus tard et constater, sans surprise, qu'une part importante, voire la majorité des objectifs n’a pas été atteinte.
Maintenir le dialogue au fil des mois est le meilleur moyen d'entretenir le succès de la collaboration et de parvenir aux buts fixés. Ces entretiens peuvent également être l'occasion de recaler un objectif, voire d’en substituer un nouveau à un ancien devenu caduque.
Au final, vous motiver à préparer et animer les entretiens annuels vous demandera certes des efforts et un peu de temps, mais représente une source importante de création de valeur et de fidélisation.
En conciliant les attentes et les envies exprimées par vos collaborateurs avec les besoins et les objectifs du cabinet, vous augmenterez la performance globale de votre équipe.
Le rêve de tout cabinet est de construire une équipe compétente, fidèle, motivée et alignée sur ses objectifs stratégiques. L’entretien annuel est le bon outil pour y parvenir, et vous en possédez désormais les clés.
Pour en savoir plus : Dans mon kit de survie de l’entretien annuel je préconise de tenir tout au long de l’année un Relevé Individuel des Faits Marquants afin de disposer d’une matière objective lors de la préparation puis de la tenue de l’entretien.
Au final, vous motiver à préparer et animer les entretiens annuels vous demandera certes des efforts et un peu de temps, mais représente une source importante de création de valeur et de fidélisation.