Ni son caractère trempé, ni son rôle assumé de mère de famille présente chaque jour pour ses deux enfants, n’ont empêché Sabrina Kemel de devenir associée du cabinet FTMS en 2021. Son secret ? L’organisation, la détermination et la transparence. Entretien avec une avocate furieusement dans son temps.
Votre emploi du temps a-t-il radicalement changé depuis que vous êtes mère de famille ?
Pas radicalement. J’ai fait en sorte d’adapter ma vie professionnelle à ma vie personnelle. Pour cela, j’ai mis en place un nouveau mode d’organisation : partir plus tôt, arriver un peu plus tard, prendre le temps d’assurer les rendez-vous médicaux et les rendez-vous à l’école… Le soir, la personne qui s’occupe des enfants est présente jusqu’à 19h30. Pas au-delà. Je n’ai pas fait des enfants pour les confier à de tierces personnes. Je passe un moment (court mais de qualité) presque chaque soir avec eux, sauf urgence nécessitant ma présence au bureau ou déplacement pour une audience. S’il le faut, je travaille plus tard le soir et les week-end. C’est évident pour moi. Je fais ce que je dois faire pour mes enfants quand c’est nécessaire et je suis sur le pont pour mes clients quand cela est nécessaire aussi. Ce qui est plus compliqué, c’est de l’assumer et de faire abstraction du regard des autres, mais avec le temps on y arrive très bien.
Avez-vous ressenti un changement de comportement de la part de vos collaborateurs/associés ?
Aucun. Toute mon équipe était ravie de me voir devenir maman deux fois en un an ! Avoir des enfants n’a pas été un frein à mon association. Rien n’est impossible. Penser que les femmes, dès lors qu’elles ont des enfants, ne sont pas faites pour cette profession est une chimère. Il ne s’agit pas d’une question de sexe mais de motivation, de compétence et de force de travail.
Comment ces derniers ont-il accueilli votre nouveau statut de mère de famille ?
Les clients qui m’ont vue « grandir », dans la profession étaient heureux pour moi. Les autres également. Aucun d’eux ne m’a confié moins de dossiers par la suite. Je crois même que c’est tout l’inverse ! Tous ont continué à me faire confiance. Ils me savent présente et mobilisée. La relation développée avec eux repose sur la confiance et le respect. Si bien que, si l’un d’eux m’appelle à 22h, je sais que c’est parce qu’il y a un sujet urgent. Et ils savent que je serai là pour eux.
Quelle est, selon vous, la clef pour réussir à jongler entre votre vie de mère et votre vie d'avocate ?
Il n’y a pas une clef mais plusieurs : savoir s’organiser, être bien entourée professionnellement et personnellement, savoir déléguer. Lorsque les collaborateurs du cabinet deviennent parents, je souhaite qu'ils ne culpabilisent pas d’assurer ce type d’impératifs personnels.
Vous êtes vous-même manager. Comment réagissez-vous lorsque l'un de vos collaborateurs vous annonce qu'il va devenir parent ?
Je n’attends que ça ! Je me réjouirai pour lui ou pour elle. D’ailleurs, ils sont informés des difficultés que j’ai rencontrées au début pour trouver « mon rythme ». Et, chaque jour, ils me voient courir partout, pour me rendre à des rendez-vous scolaires ou médicaux. Ce sont des informations que je ne leur cache pas car je souhaite que, lorsqu’ils seront parents à leur tour, ils ne culpabilisent pas d’assurer ce type d’impératifs personnels. Je sais que certains de mes confrères, lorsqu’ils quittent le cabinet plus tôt pour se rendre à un rendez-vous personnel, refusent de dire qu’ils ont des contraintes privées ou familiales. C’est dommage, surtout lorsque nous sommes dans des positions de manager. Ce n’est pas le bon exemple à donner. Rien ne change si nous ne sommes pas transparents. La relation doit être basée sur la confiance et la bienveillance avant tout.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune avocat qui se sent "mis au placard" au sein du cabinet dans lequel il exerce, parce qu'il s'apprête à devenir parent ?
Communiquer ! Et, si rien ne change : partir sans attendre. Notre profession perd de nombreuses consœurs (et parfois confrères) de talent car elles sont mises au placard. C’est dommage. Il faut que les choses évoluent encore.
Penser que les femmes, dès lors qu’elles ont des enfants, ne sont pas faites pour cette profession est une chimère. Il ne s’agit pas d’une question de sexe mais de motivation.